Mon petit mot sur la crise financière. Je ne suis pas surpris par l’allure que prend le monde de la finance contrairement à certains occidentaux qui affichent un étonnement théâtral, du mauvais théâtre, et qui font serment de tout mettre en œuvre pour garantir que cela n’arrivera plus et de punir les spéculateurs qui ont trop gagné. Ils ne s’appelleraient plus spéculateurs s’ils agissaient raisonnablement ! Et puis éteindre l’incendie quand tout est consumé … Mais est-ce que ceci était vraiment imprévisible ? Petite histoire personnelle : il y a 15 ans je parlais avec un ami dont le beau-fils travaille à Londres dans une grande banque de la City. Son travail consistait à vendre « des produits dérivés » dont la teneur était une spéculation sur la hausse ou la baisse des décimales de la valeur de certaines actions. Je n’ai pas le détail mais cela ressemblait fort à des paris, à de la spéculation !
La finance a une imagination prédatrice et non salvatrice comme elle devrait l’être. Elle devrait récolter de l’argent auprès de ceux qui n’en ont pas un immédiat besoin et le prêter, judicieusement évidemment, à ceux qui souhaitent produire ou assurer leur confort sur le long terme, comme par exemple, la maison individuel réfléchie. Moi qui suis peu partisan du raisonnable quand il s’agit de ma propre vie, je suis raisonnable vis-à-vis des autres qu’ils soient mes amis ou mes fournisseurs.
Si on suit le raisonnement de Muhammad Yunus, économiste, prix Nobel de la paix 2006 pour son travail sur la microéconomie, on peut prêter à des taux qui frise l’usure si l’emprunteur à suffisamment d’éthique pour faire une question d’honneur de rembourser un prêt. Il a choisi les pauvres dont les emprunts sont la seule possibilité de se sortir du ruisseau et simplement de se mettre à l’abri sur la berge. Il semble que la grande finance s’est joué de ce point et a préféré faire ses bénéfices ailleurs tout en prêtant à des personnes et des sociétés dont l’éthique était à tout le moins en-deçà de ce qu’il serait nécessaire, même si c’était suivre l’idée générale de l’accès au crédit pour tous. Cela constitue une majorité et non une généralité évidemment ! Pourquoi ces prêts ? Panne de l’économie avec grandes dépenses publiques dont l’armée, pour les Etats Unis d’Amérique, et vie à crédit pour soutenir une économie qui était devenue étrangère, entre autres. Une économie manufacturière vieillissante et un investissement faible pour son renouvellement, car la spéculation rapporte plus, plus vite et sans effort, et croyait-on sans risque, ou au moins on le leur faisait croire, ont amené la route au bord du précipice. Prêter pour des maisons trop grandes à des taux trop élevés et surtout revus à la hausse trop fréquemment a abouti à la situation inverse, l’appauvrissement d’une couche de la population qui mettait trop d’espoir dans les belles paroles des banquiers.
Je m’insurge contre l’hypocrisie d’aujourd’hui qui consiste à dire que ce n’était pas prévisible. Je m’insurge contre des déclarations du style de celles qui fleurissent dans la presse comme par exemple dans le Nouvel’Obs ( 25 septembre 2008, en page 14, article titré : « 10 clés pour comprendre la crise » de Michel Aglietta) « Pourquoi les organismes de contrôle n’ont-ils rien vu venir ? » Tout le monde savait, même le moins expert, le simple particulier, que la bourse était truquée par la spéculation, mais beaucoup ont voulu en profiter en croyant pouvoir prévoir le basculement.
Voici un extrait d’un livre dénonciateur, qui a été reconnu mais jamais vraiment pris au sérieux par les politiques censés nous protéger et nous aider. Dans cet extrait vous retrouverez tous les mots utilisés par les politiques, les experts et les médias qui reprennent en choeur, tous les mots que vous lisez, entendez aujourd’hui et qui étaient déjà employés hier, en 1996 : virtuel, abstrait, produit dérivé, casino, pari
« Quand nous apercevrons-nous, par exemple, que les « richesses » ne se « créent » plus tant à partir de « créations » de biens matériels qu’à partir de spéculations tout à fait abstraites, sans liens – ou fort lâches – avec des investissements productifs ? Les « richesses » mises en vitrine ne sont plus, en grande partie, que de vagues entités qui servent de prétextes au déploiement de « produits dérivés », lesquels n’ont plus grand rapport avec elles.
« Produits dérivés » qui envahissent aujourd’hui l’économie, la réduisent à des jeux de casino, à des pratiques de bookmakers. Les marchés des produits dérivés sont aujourd’hui plus importants que les marchés classiques. Or, cette nouvelle forme d’économie n’investit plus, elle mise. Elle tient de l’ordre du pari, mais de paris sans enjeux réels, où l’on ne mise plus tant sur des valeurs matérielles ou même sur des échanges financiers plus symboliques (mais encore indexés à la source, fût-elle lointaine, sur des actifs réels) que sur des valeurs virtuelles inventées à seule fin de nourrir ses propres jeux. Elle consiste en paris engagés sur les avatars d’affaires qui n’existent pas encore, qui n’existeront peut-être pas. Et à partir de là, relativement à elles, sur des jeux autour de titres, de dettes, de taux d’intérêt et de change, dès lors détournés de tout sens, relatifs à des projections purement arbitraires, proches de la fantaisie la plus débridée et de prophéties d’ordre parapsychique. Elle consiste surtout en paris engagés sur des résultats de tous ces paris là. Puis, sur les résultats des paris pris sur ces résultats, etc. (L’horreur économique, Viviane Forrester, Le livre de poche, p 103) Ce livre est paru en 1996 aux éditions Fayard et a reçu le prix Médicis 1996 de l’essai. Il a été traduit en 22 langues. Vivianne Forrester est critique littéraire au Monde notamment.
Voilà pour les spécialistes qui prétendent que personne n’a rien vu venir. Hypocrisie !! Ce livre a été primé et a eu une diffusion quasi mondiale. Ou alors, ce ne sont pas les bonnes personnes qui l’ont lu !
Je rappelle que j’ai déjà cité dans un article ( ) que les jeux de boule de neige sont interdits par la loi. C’est à mon sens le seul cadre juridique qui aujourd’hui permettrait de remettre momentanément de l’ordre dans la maison Finance Mondiale. Il n’est pas question d’attaquer des institutions financières en difficulté et de les mettre définitivement K.O. mais de les condamner dans un premier temps de manière symbolique, assorti d’un sursis, d’une mise à l’épreuve, ce qui permet un contrôle étatique.
Il existait des moyens d’éviter des faillites en utilisant un outil fiscal, par exemple une augmentation de capital. Tous les propriétaires sur-endettés dans l’immobilier auraient vu la somme des intérêts déjà remboursés convertis en action non échangeables avant 10 ans et sans dividende. Cela approcherait le cadre d’une société coopérative. Je suis certain qu’en impliquant les clients et les fournisseurs, une solution pouvait être trouvée, mais cela ne ressort plus de l’idéologie du libéralisme total et asocial.